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Pourquoi le Royaume-Uni séduit les entrepreneurs français!

Extraits du rapport d’information fait au nom de la délégation aux entreprises relatif aux environnements britannique et français du point de vue des entreprises rencontrées à Londres par la délégation aux entreprises, Par M. Olivier CADIC et Mme Élisabeth LAMURE, Sénateurs:
24 septembre 2020
A. LA SIMPLICITÉ

Les personnes auditionnées par la Délégation aux entreprises ont évoqué en premier lieu la simplicité qui caractérise les obligations que doivent remplir les entreprises au Royaume-Uni.

1. Simplicité fiscale

Cette simplicité caractérise tout d’abord la fiscalité qui pèse tant sur les salaires que sur les bénéfices.

a) Un coût du travail limité

Le Centre des Liaisons Européennes et Internationales de Sécurité Sociale (CLEISS), établissement public national à caractère administratif, assure le rôle d’organisme de liaison entre les organismes français et les institutions étrangères de sécurité sociale pour l’application des règlements européens et des accords bilatéraux et multilatéraux de sécurité sociale.

Son site permet de mettre en évidence la simplicité du système britannique, et par conséquent le gain de temps pour les employeurs. Au nombre et à la simplicité structurelle des cotisations, s’ajoute celle du recouvrement. En effet, les cotisations sont versées par l’employeur auprès du HMRC (HM Revenue and Customs) en même temps que les impôts. Le contraste avec le système français, décrit dans les tableaux ci-après, est saisissant.

ROYAUME-UNI

Salariés relevant du régime de retraite complémentaire public (« Not Contracted out of the Additional State Pension ») :

Cotisations salariales

Salaire hebdomadaire

Taux

jusqu’à 155 £

de 155,01 £ à 815 £

12 %

au-delà de 815 £

2 %

Cotisations patronales

Salaire hebdomadaire

Taux

jusqu’à 156 £

supérieur à 156 £

13,8 %

Source tableaux : GOV.UK (HM Revenue and Customs).

Salariés relevant d’un régime de retraite complémentaire privé (« Contracted out of the Additional State Pension ») :

Cotisations salariales

Salaire hebdomadaire

Taux

jusqu’à 155 £

de 155,01 £ à 770 £

10,6 %

de 770,01 £ à 815 £

12 %

au-delà de 815 £

2 %

Cotisations patronales

Salaire hebdomadaire

Taux

jusqu’à 156 £

de 156,01 £ à 770 £

10,4 %

au-delà de 770 £

13,8 %

Source tableaux : GOV.UK (HM Revenue and Customs).

FRANCE

Le tableau ci-dessous, proposé par la chambre de commerce et d’Industrie de Paris, montre la complexité des charges pesant sur les salaires et à laquelle les employeurs sont confrontés.

Nature des contributions

Taux

Base de calcul mensuelle

Recouvrement

Part employeur

Part salarié

CSG

7,5 %

98,25 % salaire total dans la limite de 152 160 €

URSSAF

Totalité du salaire au-delà de 152 160 €

CRDS

0,5 %

98,25 % salaire total dans la limite de 152 160 €

URSSAF

Totalité du salaire au-delà de 152 160 €

Sécurité sociale (1)

contribution solidarité autonomie

0,30 %

Salaire total

URSSAF

assurance maladie

12,80 %

0,75 %

salaire total

URSSAF

assurance vieillesse plafonnée

8,50 %

6,85 %

de 0 à 3 170 €

URSSAF

assurance vieillesse déplafonnée

1,80 %

0,30 %

Salaire total

URSSAF

allocations familiales

5,25 %

salaire total

URSSAF

accidents du travail

Variable (2)

salaire total

URSSAF

aide au logement entreprise de moins de 20 salariés

0,10 %

de 0 à 3 170 €

URSSAF

supplément entreprise de 20 salariés et plus (FNAL)

0,50 %

totalité du salaire

URSSAF

Assurance chômage

Cotisation chômage (3)

4 %

2,40 %

de 0 à 12 680 €

URSSAF

Fonds de garantie des salaires

0,30 %

de 0 à 12 680 €

URSSAF

Retraite complémentaire (4)

AGFF Cadres et non cadres tranche 1

1,20 %

0,80 %

de 0 à 3 170 €

AGIRC/ARR

Cadres et non cadres tranche 2

1,30 %

0,90 %

de 3 170 à 9 510 €

ARRCO

APEC (cadres seulement)

0,036 %

0,024 %

de 0 à 12 680 €

AGIRC

Non-cadres tranche 1

4,65 %

3,10 %

de 0 à 3 170 €

ARRCO

Non-cadres tranche 2

12,15 %

8,10 %

de 3 170 à 9 510 €

ARRCO

Cadres

tranche A

4,65 %

3,10 %

de 0 à 3 170 €

ARRCO

tranche B

12,75 %

7,80 %

de 3 170 € à 12 680 €

AGIRC

tranche C

(20,55 %) répartition libre

de 12 680 € à 25 360 €

AGIRC

CET

0,22 %

0,13 %

de 0 à 25 360 €

AGIRC

assurance décès

1,50 %

de 0 à 3 170 €

AGIRC

Formation professionnelle

Entreprise de moins de 10 salariés (5)

0,55 %

Masse salariale

OPCA ou trésor public

De 10 à moins de 20 salariés

1 %

Masse salariale

OPCA et sous conditions limitatives : formations des salariés de l’entreprise

Entreprise de 20 salariés ou plus

1 %

Masse salariale

OPCA et sous conditions limitatives : formations des salariés de l’entreprise

Entreprise avec CDD (dit CIF-CDD)

1 %

salaire CDD

OPCA ou trésor public

Autres taxes et participations

Taxe d’apprentissage (6)

0,50 %

Masse salariale

Organisme collecteur

Contribution au développement de l’apprentissage

0,18%

Masse salariale

Organisme collecteur

Contribution supplémentaire à l’apprentissage (entreprises de 250 salariés et plus, sous conditions)

0,10 %

Masse salariale

Organisme collecteur


Taxe sur les salaires (7)

4,25 %

8,50 %

13,60 %

20 %

de 0 à 7 705 €

de 7 705 à 15 385 €

de 15 385 € à 151 964 €

au-delà de 151 964 €

Service des impôts des entreprises

Versement transport (entreprises de plus de 9 salariés) (8)

Contribution au financement des organisations professionnelles et des organisations syndicales (9)

variable

0.016 %

salaire total

URSSAF

Participation à l’effort de construction (entreprises de 20 salariés et plus) (10)

0,45 %

Masse salariale

Organisme collecteur ou, sous conditions, investissements directs

(1) Pour connaître les modalités d’application de la réduction de cotisations patronales dite » Fillon « , voir la fiche Réduisez vos charges salariales avec la réduction « Fillon »

(2) Le taux de la cotisation d’accidents du travail est variable, en fonction des risques entraînés par l’exercice de différentes activités professionnelles. Le taux applicable à votre entreprise est déterminé par la caisse régionale d’assurance maladie

(3) Le recouvrement est assuré par les URSSAF pour le compte de l’Unedic, sauf dans un certain nombre de cas (par exemple les VRP multicartes, les intermittents du spectacle, les expatriés, les salariés et certains frontaliers et marins, les salariés agricoles, …)

(4) Les taux indiqués pour les régimes de retraite complémentaire sont les taux minima. Chaque entreprise peut choisir, par accord avec sa caisse, de cotiser à un taux plus élevé

(5) Maintien du taux de 0,55 % pour les entreprises qui franchissent le seuil de 10 salariés l’année du franchissement du seuil et les deux années suivantes, puis relèvement progressif du taux

(6) Pour plus d’informations sur ces participations et taxes, contacter la Direction des formalités et de la collecte de la taxe d’apprentissage (DFCTA) de la Chambre de commerce et d’industrie Paris-Ile-de-France au 0820 012 112

(7) Non exigible pour les entreprises assujetties à la TVA

(8) Le taux applicable pour les départements de Paris et des Hauts de Seine est de 2,85 %. Le taux en vigueur dans les départements de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne est de 1,91 %, dans les départements de l’Essonne, des Yvelines, du Val d’Oise et de Seine-et-Marne, le taux est de 1.50 % selon les communes (voir la liste en annexe).Cette hausse sera effective vraisemblablement au 1er juillet 2015

(9) Nouvelle contribution instaurée par l’article 31 de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale

(10) A défaut de dépenses libératoires, le paiement s’effectue au service des impôts.

Source : http://www.entreprises.cci-paris-idf.fr/web/reglementation/developpement-entreprise/droit-social/charges-sociales

Ce tableau reprend les taux de l’ensemble des contributions, cotisations et taxes sur salaire pour l’année 2015 et indique, pour chacune d’elle, l’organisme de recouvrement.

Les employeurs français sont donc confrontés à une extrême complexité du calcul des salaires, ce qui entraîne un coût administratif important. A ce handicap s’ajoute un coût important du travail. Le tableau comparatif(23(*))dressé par le Cercle d’outre-Manche à partir des statistiques européennes harmonisées de 2013 met en évidence la différence du coût du travail entre la France (total des charges sur les salaires de 60%) et le Royaume-Uni (total des charges sur les salaires de 22%) :

FRANCE

ROYAUME-UNI

TVA taux normal

19,6 %

20 %

TVA Taux réduit

7 % et 5,5 %

5 % et 0 %

PLF 2014

Taux normal 20 %

taux réduits 20 % et 5 %

/

Charges patronales

38 %

10 %

Charges salariales

22 %

12 %

Total des charges sur les salaires

60 %

22 %

Sources : Eurostat, Triactis

Cette illustration de la complexité française a des répercussions, par exemple sur l’établissement des bulletins de paie : quelques lignes outre-Manche contre des documents longs et illisibles en France!

b) Une responsabilité partagée

L’impôt sur les sociétés (Corporation Tax) comme l’impôt sur le revenu (Income Tax) sont également assez simples à appréhender, et surtout davantage légitimes pour les entrepreneurs. En effet, au Royaume-Uni, ils sont progressifs et sans niches fiscales: ces caractéristiques permettent de créer un « sentiment de responsabilité ».

En outre, ces impôts paraissent beaucoup plus justes que les charges sur les salaires qui, lorsque les cotisations sont trop élevées comme en France, découragent tout entrepreneur avant même d’avoir pu créer de la richesse.

L’impôt sur le revenu (Income Tax) est calculé selon le barème suivant (2013-2014)

Tranches d’imposition

Taux

De 0 à 31 785 £

20% (taux de base) applicable au-delà de 10 600 £(24(*))

de 31 786 £ à 150 000 £

40% (taux supérieur) applicable au-delà de 42 385 £(25(*))

+ de 150 000 £

45% (taux additionnel)

Source : Income Taxe rates and personal allowances – GOV.UK

Comme le rappelle le site du ministère des affaires étrangères France Diplomatie, seules les sociétés dont le bénéfice imposable est supérieur à 1 500 000 £ doivent verser des acomptes d’impôt sur les sociétés. En ce qui concerne les autres sociétés, l’impôt doit être acquitté en une seule fois, dans les neuf mois et un jour qui suivent la fin de l’exercice comptable.

Les sociétés résidentes du Royaume-Uni sont imposables sur les bénéfices et les plus-values qu’elles réalisent. Le résultat auquel s’applique l’impôt sur les sociétés inclut les revenus d’exploitation commerciale, les revenus fonciers, les revenus de capitaux mobiliers, etc…

Les principaux taux en matière d’impôt sur les sociétés (corporation tax) sont les suivants :

Exercice du 1er avril 2014 au 31 mars 2015

Taux

Bénéfice inférieur à 300 000 £

20%

Bénéfice supérieur à 300 000£

21%(26(*))

Source : Corporation Tax rates and reliefs – GOV.UK

À compter du 1er avril 2015, il existe un taux unique de 20%.

Le taux d’imposition sur les sociétés est donc beaucoup plus léger au Royaume-Uni qu’en France où il est fixé à 33,33%(27(*)).

2. Simplicité administrative

La simplicité administrative découle tout naturellement, en premier lieu, de la simplicité fiscale évoquée ci-avant. Mais le Royaume-Uni conduit une politique très claire et structurée en matière de simplification administrative pour les entreprises.

 

B. LA FLEXIBILITÉ

Le pragmatisme britannique se traduit, sur le marché du travail, par une grande flexibilité qui permet aux entrepreneurs de ne plus considérer l’embauche comme un risque trop lourd à supporter mais comme une opportunité à saisir pour accompagner la croissance de l’entreprise. Cette flexibilité caractérise tous les domaines qui, en France, sont identifiés comme des contraintes lourdes en temps de crise : temps de travail, période d’essai, licenciement, etc.

Le message principal véhiculé par les entrepreneurs est qu’en période de crise, la souplesse du marché du travail britannique permet aux entreprises d’apporter des réponses graduées sans recours à la destruction d’emplois.

Le licenciement est possible, il coûte beaucoup moins cher qu’en France, mais, selon les dires des entrepreneurs rencontrés à Londres par la Délégation aux entreprises, il constitue clairement la dernière option envisagée par les employeurs qui ne veulent pas se séparer de salariés formés, performants, ayant développé un savoir-faire utile à l’entreprise.

1. Le temps de travail

Le premier levier est la flexibilité du temps de travail : le travail à temps partiel s’est fortement développé pendant la crise, permettant ainsi d’éviter la solution des licenciements massifs. Comme l’indique un document de travail du Cercle d’outre-Manche reprenant les informations de la Confederation of British Industries(CBI), lors de la période de crise la plus sévère, en septembre 2009, entreprises et syndicats britanniques se sont accordés sur les objectifs suivants :

La flexibilité du temps de travail concerne donc par conséquent également les salaires. L’adaptation salariale à la situation économique constitue un élément normal, intégré par les personnels. Cette adaptation traduit la primauté de la relation contractuelle en matière de droit du travail.

Comme le rappelle Alexandre Terrasse, avocat spécialisé en droit du travail britannique, « contrairement au droit social français, il n’existe pas en droit anglais de code du travail. Ainsi le droit repose sur un amalgame de textes de loi adoptés par le Parlement (Statutes) et le régime de loi coutumière érigé par la jurisprudence (Common Law). Il en résulte que la relation entre employeurs et salariés demeure essentiellement contractuelle, c’est-à-dire qu’elle repose sur les termes contractuels négociés par les parties, sous réserve du respect de certaines règles impératives imposées par les textes de loi.

2. La période d’essai

Pour faire face à la crise, le Gouvernement de David Cameron a augmenté à deux ans(35(*)) la période pendant laquelle entreprise et salarié peuvent se séparer sans formalité(36(*)). Cette sorte de période d’essai de deux ans (trial period), qui ne prive en aucun cas le salarié de ses droits, semble constituer un atout pour les deux parties : les entrepreneurs rencontrés ont tous évoqué le défi que constitue la fidélisation des personnels compétents, qui apporte très naturellement un équilibre dans les relations et favorise un dialogue « gagnant-gagnant ».

Toutefois, dans certains cas, le licenciement devient inévitable, soit en raison d’un contexte économique pesant sur l’entreprise, soit parce que le salarié n’est pas ou plus adapté au poste.

3. Le licenciement

En France, même si le motif de licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse, l’entreprise devra verser des indemnités qui peuvent se révéler lourdes, « parfois 50% plus élevées qu’au Royaume-Uni ». Le Cercle d’outre-Manche a établi des simulations comparatives(37(*)). Ainsi, pour un cadre de 51 ans avec 7 ans d’ancienneté, le coût serait de près de 35 000 euros en France et de 15 600 euros au Royaume-Uni.

 

C. LA CONFIANCE
 
1. Confiance dans la capacité des acteurs économiques à se développer

De nombreuses mesures britanniques sont interprétées comme des signes d’encouragement pour les entreprises qui sont appelées à se développer.

La fiscalité est ainsi, outre-Manche, un outil de la stratégie britannique pour créer un environnement de confiance et attirer des entreprises.

Le dispositif Enterprise investment scheme(42(*)) (EIS), qui constitue la clé de voûte de cette politique depuis les années 1993-1994, a été renforcé récemment. L’EIS permet une réduction d’impôt de 30%(43(*)) du montant investi dans une entreprise, plafonnée à 300 000 £ (donc pour un investissement de 1 million de livres).

Depuis avril 2012, toute personne qui investit au maximum 100 000 livres dans une start up de moins de deux ans et de moins de vingt-cinq salariés bénéficie d’une réduction d’impôt de 50% grâce au Seed Enterprise Investment Scheme (SEIS). De plus, tout investisseur qui réalise des gains en 2012-2013 via le SEIS est exempté de taxe sur les plus-values s’il réinvestit dans la foulée dans une nouvelle startup.

Comme le rappelle l’Agence (française) pour la création d’entreprise (APCE) dans un article de juillet 2013, la campagne de communication « Be an angel », lancée en mai 2012, a d’ailleurs renforcé le rôle de ces investisseurs. Elle a notamment fait la promotion d’un fonds privé soutenu par des entités publiques, le Business Angel Co-Investment fund, qui a pour particularité de conditionner l’investissement dans une startup à l’appui financier préalable de business angels.

D’après les statistiques(44(*)) du HMRC(45(*)) de mars 2015, depuis le lancement de l’EIS, plus de 22 700 entreprises ont bénéficié d’un investissement par son truchement, permettant de lever plus de 12,2 milliards de livres. Ce montant est de 1,193 million de livres pour 2013-2014, levés par 2 600 entreprises. Les résultats du SEIS sont également très encourageants : le dispositif a permis à 1 900 jeunes entreprises de lever 155 millions de livres.

2. Confiance à l’égard des entrepreneurs

La notion de confiance est essentielle et centrale pour les entrepreneurs rencontrés par la Délégation aux entreprises du Sénat.

a) L’attitude de l’administration fiscale

Au Royaume-Uni, elle se traduit tout d’abord par une attitude positive « business oriented » de l’administration fiscale. Les témoignages décrivent tous la même situation : au Royaume-Uni, l’administration fiscale fait son travail de façon rigoureuse mais elle ne donne pas l’impression de chercher à tout prix une faute de la part de l’entrepreneur. Tout semble fait pour que l’entreprise puisse continuer à fonctionner normalement pendant un contrôle. En France, c’est une logique inverse qui est unanimement dénoncée : c’est un sentiment de méfiance et de culpabilité a priori qui est ressenti par les chefs d’entreprises. En outre, le contrôle sur place, beaucoup plus développé en France, est très chronophage et empiète sur le temps de travail utile au développement des entreprises.

L’un des entrepreneurs présents a indiqué à la Délégation qu’il avait actuellement plus de contrôles fiscaux en cours pour ses 20 entreprises françaises que pour la totalité de ses 60 entreprises britanniques.

Si l’administration française continue à privilégier le contrôle sur place, son homologue britannique opte depuis longtemps en priorité pour la stratégie du contrôle sur pièces, notamment à travers un investissement important dans les outils numériques. Ainsi, malgré une réduction de ses personnels, la HMRC (Her Majesty Revenu and Customs) a rattrapé depuis 2011 le niveau français des montants collectés sous formes de droits et pénalités(47(*)).

b) Le succès des relations contractuelles (1) Un sentiment de confiance recherché par les Français

Au cours des auditions de la Délégation aux entreprises, la qualité des relations contractuelles entre employeurs et employés est apparue comme un atout considérable. Dès lors qu’elle est au coeur de la relation de travail et permet une entente sur de nombreux points, elle instaure un dialogue et peut permettre un équilibre « gagnant-gagnant ». Nombreux sont les employeurs ayant évoqué la crainte de perdre des salariés qui ont développé compétences et connaissances de leur métier au sein de l’entreprise. En outre, en situation de plein emploi et avec une culture positive de l’échec, les personnes ayant été licenciées sont relativement confiantes pour trouver un nouvel emploi.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle de nombreux Français tendent à s’installer au Royaume-Uni pour trouver du travail. Lors de leur déplacement, les membres de la Délégation aux entreprises ont visité le Centre Charles Péguy qui aide les Français fraîchement arrivés à Londres à trouver un emploi. Cette association permet entre 850 et 1 000 recrutements par an.

Les échanges avec les adhérents du Centre ont permis de dresser un triste constat : les Français qui ne croient plus au marché du travail en France sont plus confiants une fois la Manche franchie. Même s’ils savent qu’ils devront peut-être accepter un emploi relativement peu qualifié dans un premier temps, ils jugent que la flexibilité du marché leur permettra de rebondir rapidement et d’évoluer dans d’autres emplois.

Cette tendance s’inscrit désormais dans la durée. Le phénomène d’expatriation, qui jusqu’alors prévalait avec des Français désireux de connaître une simple expérience professionnelle de quelques années au Royaume-Uni, se transforme depuis 20 ans en phénomène d’immigration. Ainsi des Français quittent leur pays pour venir vivre au Royaume-Uni, attirés par la dynamique économique du marché du travail.

CONCLUSION

Le déplacement à Londres de la Délégation aux entreprises du Sénat a permis d’enrichir la réflexion sur les freins à la croissance des entreprises. Les mesures vantées par les entrepreneurs relèvent certes d’une culture très différente de celle de la France. La France n’est pas le Royaume-Uni et comparaison n’est pas raison. Il est toutefois utile de se souvenir que le changement opéré au Royaume-Uni n’est pas si lointain, et qu’il est né d’une volonté politique de redresser le pays au début des années 1980.

Les débats qui mobilisent le Parlement français montrent que tous les sujets évoqués dans le présent rapport sont tout à fait d’actualité. Le Sénat, à travers sa Délégation aux entreprises, poursuit son travail de terrain et d’écoute des entrepreneurs pour contribuer efficacement à la définition de solutions et de réformes qui permettront à la France de renouer avec la croissance et l’emploi.

L’exemple britannique montre qu’il existe de nombreuses pistes : obligation ministérielle de simplification administrative, meilleure implication de la haute fonction publique, période d’essai de longue durée, plafonnement des indemnités en cas de licenciement, etc. De nouvelles rencontres entre entrepreneurs, installés des deux côtés de la Manche, pourront certainement contribuer à affiner les possibilités d’inspiration pour l’économie française.

Même si toutes les mesures abordées ici par la Délégation aux entreprises nécessiteraient d’être étudiées en profondeur et parfois adaptées à notre culture juridique, elles ont le mérite de montrer qu’un changement de mentalité est possible et que des réformes adaptées peuvent redonner confiance aux entreprises et à la population active.

 

Il est temps d’inventer un « pragmatisme responsable » à la française pour faciliter concrètement la vie des entreprises françaises et promouvoir ainsi leur croissance, ce dont les membres de la Délégation présents à Londres sont convaincus depuis ce déplacement.